Loi séparatisme : avec ses mesures pour l'école, Darmanin veut rattraper «les petits fantômes de la République»
Le projet de loi «confortant les principes républicains» prévoit notamment un plus grand contrôle de la scolarisation à domicile et un numéro d'identifiant pour chaque enfant.
Pour surveiller les parents qui auraient basculé dans l’islam radical, le gouvernement entend garder un œil sur leurs enfants. Comme l’avait annoncé par surprise Emmanuel Macron dans son discours aux Mureaux en octobre, le projet de loi «confortant les principes républicains», adressé ce mercredi aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat prévoit, dans son article 18, de rendre la scolarisation obligatoire pour tous les enfants de 3 à 16 ans, sauf dans des cas très limités (handicap, maladie, sportif de haut niveau, familles itinérantes…) Jusqu’à présent, seule l’instruction était obligatoire, permettant à 50 000 jeunes d’apprendre à la maison, loin de l’école où sont inscrits 12,4 millions d’élèves. Les parents qui défendent l’instruction à domicile sont depuis vent debout contre cette mesure qu’ils jugent anticonstitutionnelle. Bernard Toulemonde, professeur agrégé de droit public, leur donne raison : «Juridiquement, ça pose effectivement problème. C’est une liberté fondamentale inscrite dans la loi de 1882 de Jules Ferry. Si le Conseil constitutionnel est saisi, je ne suis donc pas sûr qu’il valide cette loi.»
130 000 enfants passent entre les mailles du filet de l'INE
Mais le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ne veut pas laisser tomber ce qu’il appelle «les petits fantômes de la République», ces enfants qui disparaissent des radars de l’école, surtout des «petites filles dans certains quartiers», assure-t-il dans le Figaro ce mercredi. Sa solution pour sauver les enfants «des griffes des islamistes», selon ses mots ? Doter chaque jeune d’un identifiant national personnel «pour savoir qui est inscrit à l’école, y compris celle à domicile», puisqu’il en restera une petite poignée d’exemptés. En vérité, les élèves inscrits à l’école publique et privée sous contrat ont déjà tous un identifiant national élève (INE), qui existe depuis 2005. «Cela permet de suivre l’élève durant toute sa scolarité, jusqu’à ses 18 ans. Cet identifiant figure dans les examens, comme le brevet du collège, le bac et les lycéens en ont besoin pour s’inscrire sur Parcoursup», explique Valérie Piau, avocate spécialisée en droit de l’éducation.
Problème : 130 000 enfants passent aujourd’hui entre les mailles du filet de cet INE, selon le ministère de l’Education nationale. Parmi eux, environ 100 000 étudient dans des écoles hors contrats et près de 30 000 à domicile, qui ne suivent pas les cours du Centre national d’enseignement à distance (Cned). «On a du mal à suivre les enfants qui quittent l’école, remarque Anne Brugnera, députée LREM, chargée en 2018 d’une mission parlementaire sur la déscolarisation et sur laquelle s’appuie ce volet du projet de loi. Si les enfants ont tous un identifiant, cela nous permettra de vérifier que chacun a bien une instruction à laquelle il a droit. L’instruction à domicile passe par une déclaration à la mairie, mais quand les parents ne le font pas, il y a des trous dans la raquette.» Les familles peuvent faire l’objet d’une enquête de la mairie une fois tous les deux ans et d’un contrôle pédagogique annuel de l’Education nationale mais dans les faits, il manque des inspecteurs et les mairies sont souvent dépassées. Cette proposition de mise en place d’un identifiant sera présentée au Parlement sous la forme d’un amendement gouvernemental, après la présentation du projet de loi qui se tiendra en conseil des ministres le 9 décembre.
Fermer plus rapidement les établissements illégaux
Enfin, toujours pour lutter contre l’islam radical, le texte de loi devra permettre de fermer des «établissements illégalement ouverts» ainsi que des établissements privés présentant des «dérives» ou des «manquements graves», «dans les meilleurs délais». C’est donc l’autorité administrative, et non plus judiciaire, qui rendra la décision de fermer une école en cas de problème. «Il faudra ensuite que le délai de saisie du juge soit immédiat et qu’il statue rapidement sinon on porterait atteinte à la liberté de créer un établissement scolaire», prévient Bernard Toulemonde. Selon la Fondation pour l’école qui promeut ce modèle, les établissements hors contrat sont à 70% laïques. Sur les 30% confessionnels, plus de la moitié est catholique.
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